Le père Carlo avec ses fils Thomas et Nikolaas devant les volières
qui ont depuis lors été détruites pour faire place à un local
Tu as commencé tes études supérieures en 1998. Pourquoi avoir choisi l'économie et pas la médecine vétérinaire comme ton père, Carlo?
Nikolaas: Lorsque j'ai commencé mes études, je ne savais pas réellement ce que je voulais faire. J'étais bon en mathématique et en sciences et, petit à petit, je me suis intéressé à l'économie. Un bon ami a moi a commencé des études d'ingénieur commercial et j'ai alors décidé de le suivre. Nous nous sommes tous deux installés à Louvain.
Après quelques mois, j'ai compris que ce n'était pas un bon choix. Les cours étaient trop théoriques, on devait par exemple connaître des centaines de démonstrations pour l'examen. J'ai alors entendu que les mathématiques enseignées à la Haute Ecole d'Economie étaient bien plus pratiques et, à mi-parcours de l'année scolaire, je me suis inscrit là-bas. En 2003, j'étais diplomé avec une année de retard (cinq ans au lieu de quatre ans, ndlr.).
Est-ce que tes études répondaient à tes attentes? Car 1999 était aussi l'année de tes débuts dans le monde colombophile ...
Nikolaas: Evidemment! PIPA n'était alors que mon hobby. D'autres faisaient toutes sortes de sport, moi je jouais au tennis et je m'occupais d'un site de news colombophiles.
Tu as commencé en devenant le bras droit de Freddy Thienpont qui s'occupait alors du site colombophile Racing Pigeons All Over The World.
Nikolaas: C'est exact. C'est en 1999 que je suis entré en contact avec Freddy via mon père. Le site web de Freddy (lien: http://www.cevi.be/pp/freddy/index.html, ndlr.) était visité des centaines de fois par jour. En comparaison avec les chiffres d'aujourd'hui, ce n'est peut-être pas beaucoup mais à l'époque, c'était déjà un sacré nombre. Je m'occupais des mises à jours des news mais aussi du côté technique du site web mais Freddy téléchargeait lui-même toutes les informations publiées sur le site via son propre serveur.
Petit à petit, Freddy a eu moins de temps à consacrer à son site et je lui ai alors proposé de continuer à m'en occuper en téléchargeant moi-même toutes les nouvelles mises à jours. Nous avons trouvé un accord et son site est devenu le mien. Mon ancien fournisseur internet m'offrait alors un espace web gratuit qui m'obligea à déménager vers un autre nom de domaine (http://www.pi.be/rice1/index.html, ndlr.). Mais c'était beaucoup moins clair et donc plus difficilement accessible. C'est pourquoi au début des années 2000, j'ai choisi le nom de domaine www.pigeonparadise.com. En décembre de la même année, j'optais pour le changement final, soit www.pipa.be.
Le cap des 1.000 visiteurs est fêté comme il se doit avec une bouteille de champagne
Tout cela durant tes études. Etait-ce difficile au début, vu le peu de temps que tu pouvais consacrer à PIPA?
Nikolaas: Oui, c'était parfois frustrant. J'avais le sentiment de ne pas faire assez pour PIPA. Je devais toujours lutter contre moi-même: étudier ou consacrer du temps à PIPA? Dans ma chambre d'étudiant, je mettais sur papier toutes les idées qui me traversaient la tête pour le site. Après quelques jours, j'avais plusieurs pages A4 remplies d'idées. C'était évidemment une bonne chose mais c'était aussi très difficile à mettre en pratique vu le manque de temps et de moyens dont je disposais.
C'est dans ce contexte que j'ai eu la chance de rencontrer Martin Degrave en 2001. Tout comme moi, il a consacré un temps énorme au développement de PIPA. Il a travaillé en tant que bénévole, parfois jour et nuit. C'est quelque chose que je n'oublierais jamais. Tout comme ce que mon père a fait pour PIPA. Surtout sur le plan financier.
Thomas, Carlo et Nikolaas avec Martin Degrave qui s'est consacré durant de nombreuses années à PIPA
Quand avez-vous eu pour la première fois le sentiment que tous vos sacrifices avaient fini par payer? Que les gens étaient réellement à l'écoute de PIPA?
Nikolaas: En 2003, lorsque la grippe aviaire a frappé la Belgique et toute l'Europe. Cela a eu d'énormes répercussions sur le sport colombophile puisque les pigeons ne pouvaient plus franchir la frontière française. Mais cela pouvait changer à tout moment. J'apportais chaque jours des éléments nouveaux à propos de ce problème tandis que la presse spécialisée ne pouvait le faire qu'une fois par semaine. J'ai même été parfois plus rapide que la VRT ou VTM (chaînes publiques néerlandophones, ndlr.). Cela m'a donné un 'kick', surtout lorsque j'ai constaté que notre site était consulté des milliers de fois par jour. Petit à petit, de nombreux colombophiles d'Europe se sont intéressés à PIPA car tous le monde voulait savoir quand cette situation se terminerait. D'autres reporters l'ont remarqué. C'est ainsi qu'Ad Schaerlaeckens a écrit un article dans lequel il disait que PIPA était devenu le CNN du sport colombophile. C'était évidemment très chouette de le lire mais ce fut une période assez mouvementée. Nous étions alors en mai 2003 et j'étais à la fin de mes études puisque je rédigeais ma thèse. C'est d'ailleurs au même moment que j'ai rencontré ma femme, Jana. Je n'avais plus le temps d'aller aux cours et j'ai dû prendre les notes des autres. Pour les cours d'anglais, j'empruntais par exemple les notes de Jana.
Le site de PIPA version 2004
Une étape importante dans le développement de nos ventes aux enchères aura été l'action tsunami de 2005. Lors de notre vente de charité organisée au profit des victimes du tsunami qui a frappé l'Océan Indien, une centaine de pigeons furent vendus et rapportèrent la somme de 100.000 euro. Des amateurs du monde entier ont placé une ou plusieurs enchères et c'est comme cela que nous avons commencé à bénéficier d'une visibilité internationale.
Est-ce que vous retenez les milliers de visites lors de la grippe aviaire ainsi que les nombreuses enchères lors de la vente de charité comme les meilleurs moments dans les 15 ans d'histoire de PIPA?
Nikolaas: Je n'ai pas vraiment un moment particulier en tête, depuis toutes ces années c'est difficile. Et honnêtement, je vis en permanence dans un état second de bonheur et de joie parce que je n'ai jamais le sentiment de travailler. Pour moi, les vacances sont parfois plus difficiles que le travail. Car je suis constamment occupé par PIPA tellement j'aime mon travail.
En fait, je tire satisfaction de pratiquement tout. Par exemple, et cela peut paraître étrange, je suis extrêmement satisfait quand nous embauchons quelqu'un qui correspond parfaitement à PIPA. Tout comme je suis heureux lorsqu'une vente aux enchères est une grande réussite.
La rencontre entre Nikolaas et Luna Lai, qui gère aujourd'hui les intérêts de PIPA en China, a eu
un impact énorme sur la suite de l'évolution de PIPA
Avez-vous pensé à jeter l'éponge vu l'implication nécessaire pour mener à bien le développement du site?
Nikolaas: Non, pas vraiment. PIPA est mon bébé et on ne se sépare jamais d'un enfant. Vous faites tout pour lui, même lorsque c'est très difficile.
Je suis passé par plusieurs périodes difficiles. La plus dure date de 2004. En raison d'une énorme surcharge de travail, j'ai commencé à avoir des problèmes de santé. J'ai dû passer plusieurs mois sans travailler car je n'avais plus d'énergie. Mon frère Thomas est alors venu me prêter main forte et il est lui-même devenu très impliqué. Quelques mois plus tard, je suis devenu beaucoup plus sage. J'ai appris à relativiser et à gérer mes affaires d'une autre manière. Je me suis beaucoup inspiré des méthodes de Steve Jobs après avoir lu son livre. Son discours prononcé à Stanford en 2005 reste pour moi la référence en la matière.
Comment te reposes-tu quand la pression est trop élevée?
Nikolaas: C'est tout simplement très difficile pour moi de mettre mon travail de côté car, comme je l'ai dit, c'est un hobby auquel j'aime me consacrer. J'essaie de faire du sport le plus souvent possible: du vélo ou de la marche à pied. Je me repose également en famille, surtout auprès de ma fille Amalia (4 ans) à laquelle je consacre beaucoup de temps et d'énergie.
Et ta femme Jana, comment se comporte-t-elle face à la place que prend PIPA dans votre vie?
Nikolaas: Elle me donne toujours une oreille attentive. Sa force, c'est que l'argent, les choses matérielles et l'entreprise n'ont aucune influence sur sa vie. Elle s'inquiète seulement de moi et de notre famille.
Je le sais déjà depuis 2004, surtout après mes problèmes de santé. Je ne gagnais encore rien avec PIPA malgré tous mes soucis de santé mais elle a toujours été à mes côtés. Je suis incroyablement reconnaissant qu'elle soit devenue ma femme. J'aime d'ailleurs particulièrement cette citation: "La décision la plus importante de votre vie, c'est de bien choisir avec qui vous vous mariez."
Nikolaas et sa femme Jana lors de leur première rencontre en 2003
Trouves-tu également du soutien auprès de ton père et de ton frère? Ou est-ce difficile de gérer ces affaires ensemble? On entend souvent que vous séparez les affaires de la famille.
Nikolaas: J'en trouve auprès des deux. D'une part parce que je peux leur faire confiance à 200%. Mais d'un autre côté, ce n'est pas facile de dire à quelqu'un comme mon père, qui a tout fait pour moi et qui continue d'ailleurs toujours à le faire, qu'il n'a pas pris la bonne décision pour telle ou telle chose. Mais je dois me comporter de la même façon avec tous le monde. Ma volonté de bien faire, ce qui me caractérise d'ailleurs beaucoup, m'aide à évoluer dans ce sens. J'essaie de ne faire aucune distinction entre mon frère, mon père ou un autre collègue.
Parlons maintenant d'autre chose: le PIPA Elite Center est votre deuxième hobby. Quel est votre plus grand rêve pour le PEC?
Nikolaas: J'espère pouvoir remporter un jour un titre de 1er As Pigeon National RFCB avec un pigeon élevé au sein du PEC. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons fait bâtir un tout nouveau pigeonnier de reproduction en 2013, un pigeonnier dans lequel se trouvent une quarantaine de couples de reproducteurs. Je suis conscient que sans le partenaire idéal, cela n'aurait pas été possible mais avec Pascal Ariën, nous avons toutes les chances de réussir. Surtout avec l'apport des pigeons Geerinckx qui ont un effet positif sur nos résultats.
Je souhaite également suivre les traces de mon grand-père et de mon père qui ont tous deux remporté le 1er International de Barcelone. C'est pourquoi le PEC s'est également associé avec Batenburg-van de Merwe pour participer aux concours de grand fond. Hugo (Batenburg, ndlr.) est d'un apport inestimable pour le PEC: il est énormément motivé et ne vit que pour son métier. Avec un amateur de son calibre et la qualité de nos pigeons (e.a. deux vainqueurs internationaux de Barcelone), une victoire internationale est possible.
Carlo, Nikolaas et Thomas Gyselbrecht avec Porsche 911
Et qu'espères-tu encore accomplir avec PIPA?
Nikolaas: Je rêve de créer un environnement qui permet à mes employés de prendre du plaisir dans leur travail mais aussi de permettre à nos clients de garder le sourir grâce à leur satisfaction. A partir de l'année prochaine, je souhaite me diriger encore plus vers l'orientation 'client'. Le service proposé à nos clients, qu'ils soient vendeurs ou acheteurs, doit encore être meilleur. Nos collaborateurs et nos clients constituent le noyau de notre entreprise. Mais surtout nos acheteurs car c'est grâce à eux que nous payons nos employés. C'est pourquoi nous devons faire encore plus à leur service.
En ce qui concerne le long terme, je veux faire de PIPA une entreprise encore plus stable, la plus forte au monde dans le domaine du sport colombophile. Beaucoup de gens me disent qu'ils considèrent PIPA comme le numéro un au monde et que nous n'avons presque pas de concurrence mais je trouve que l'on peux encore améliorer beaucoup de choses. C'est sur ce point là que je souhaite me concentrer.
Tu viens de le dire: beaucoup de gens considèrent PIPA comme le numéro un, cela pratiquement sans concurrence. Vers qui te tournes-tu directement si tu ne trouves pas de solution?
Nikolaas: Le plus important est de vous entourer de gens qui sont meilleurs que vous sur certains points. Je suis heureux d'être bien entouré, tant en ce qui concerne PIPA que pour ce qui ne se rapporte pas à l'entreprise. Auparavant, je parlais souvent à feu Pros Roosen, un homme très intelligent, tant sur le plan colombophile qu'au niveau des affaires. Maintenant, j'ai Dirk Deroose à mes côtés. Il est directeur de l'entreprise Willy Naessens et sa longue expérience dans le monde des affaires lui permet de solutionner mes problèmes. Mais avant de m'adresser à lui, j'essaie d'abord de trouver une solution moi-même.
PIPA a connu une croissance importante au niveau de ses employés:
à gauche, les deux premiers employés (Martin et Erwin), à droite l'équipe actuelle
Nous avons parlé de tes plans concernant le PEC et PIPA mais rien en ce qui concerne le domaine privé. Il doit bien y avoir une petite liste sur laquelle sont inscrites certaines choses que tu souhaites encore accomplir. Peux-tu nous en dire plus à ce propos?
Nikolaas: Je n'ai pas une telle liste. Chaque matin, je m'inspire des paroles de Steve Jobs: Si tu vis chaque jour comme si c'était le dernier, un jour tu auras certainement raison. Aurais-je fait ce que j'ai fais aujourd'hui si j'avais su que demain serait mon dernier jour? Personne ne le sait. C'est comme ça que j'aborde la vie. J'essaie de faire les choses quand je dois les faire et de ne jamais les reporter à plus tard car cela ne sera alors peut être plus possible.
En ce qui concerne le futur, combien de temps vas-tu encore continuer avec PIPA?
Nikolaas: Je l'ai déjà dis: PIPA est, après Amalia et Jef, mon enfant. Je n'arrêterais jamais avec PIPA tant que je ne serais pas sûr de confier les clefs de l'entreprise à une personne qui est la bonne. Je pense déjà à cela. De cette façon, je peux continuer avec PIPA sans que cela ne me paraisse jamais désagréable.
Dans quelques années, je me verrais bien comme le conseiller du futur PDG au lieu d'être le PDG lui-même. J'aimerais continuer à m'occuper des contacts ainsi qu'à voyager dans le monde entier pour rencontrer les clients. A ce sujet, c'est vrai qu'il y a peut-être quelque chose que j'aimerais réaliser sur le plan privé: me rendre plusieurs mois, ou pourquoi pas une année entière, en Chine avec ma famille. J'apprendrais ainsi à mieux connaître le pays et je continuerai à rencontrer nos clients.
Donc, si tu quittes ton rôle de PDG, PIPA continuera à garder un rôle privilégié dans ta vie. Nikolaas, merci en tout cas pour cet entretien agréable.
Avec la naissance de Jef, l'avenir est assuré